Le Livre

2022

19 x 12,5 cm
208 pages
Livre broché
ISBN 9782378963392
Les presses du réel

Préface de Bruno Roche

«  Comment se cacher de ce qui doit s’unir à vous ?  »
René Char, Feuillets d’Hypnos

Depuis plus de trente ans, Lionel et moi partageons ces heures où les mondes s’ouvrent, se mélangent, et nous changent à jamais.
Son œuvre trace dans le ciel une constellation dont je me sers souvent pour décider ma route, et retrouver ce Nord qui est aussi, j’en suis certain, celui de beaucoup d’entre nous.

Dès le premier poème, Orientation, me voici sur la glace fragile avec lui.
Poème après poème, cette alliance me dure, me tient, m’engage. Ce n’est donc pas seulement cette première image, pourtant puissante et symbolique qui me connecte à son œuvre.

Ici, la main du vent qui se pose sur mon visage, c’est sa sincérité.
Cap initial de son œuvre, clef de voûte de chaque poème, elle est son guide, et à travers son œuvre, le nôtre.

Dans Le Jour, il précise :
« Être entier

à l’instant de la parole
 »
Ne sommes-nous pas comme lui assoiffés de réconcilier l’expérience et l’âme ?
Cet impossible projet d’être entier le met en demeure d’être lui, au-delà de ce qu’il sait, dans l’humilité du monde, à chaque réveil.

Cette sincérité mène l’exigence et la discipline de son travail.
Il compose ses poèmes dans un monde sillonné de dissonances, dont l’harmonie révélée tient à l’honnêteté de celui qui l’assemble. Dans son creuset de fulgurances et d’écriture, il identifie, reconnaît, épuise et finalement rejette ce qui « ne marche pas ». Écume de la lutte, haleine de vérité sans pitié. Embrasser cette lame, c’est connaître l’amertume de la coupe, mais aussi la joie de la simplicité révélée.
Il se risque dans une vertigineuse sincérité, avec le courage de renoncer à tout ce qui n’en est pas, et nous invite, sans effet, sans promesse, à vivre éveillé, face au silence que dessine le macareux ou le fou.

Je l’ai vu regarder avec des yeux comme des oreilles. Je l’ai vu enfouir la parole impossible des choses si loin en lui. Je l’ai vu s’en remettre au vide, s’élever au-dessus des cascades, porté par le vacarme des cataractes.
Oui, parfois, j’étais là au moment de la rencontre.
Ce qu’il a cueilli devant moi, puis épanoui dans la forge de ses carnets, qu’il ouvre et ferme comme des tambours, je le retrouve dans son poème ! Cet alcool des abysses maintenant si léger, s’élève le long de l’à-pic où je me tiens, remplit mes poumons, et me connecte tout entier dans une respiration.

Je bois l’eau du verre qu’il me tend, et qui me rappelle d’être là. Source jamais tarie où je plonge ma gourde, chaque fois que je prépare mon sac.

Le kairos de Lionel, dans l’authenticité qu’il nous offre, ouvre le monde et crée la profondeur de l’instant. Il en saisit l’inflexion, la présence de ses moments de connexion, et nous les donne dans un chant sobre en sept mouvements. Les deux premiers nous invitent à l’expérience de l’instant, les deux suivants nous proposent le risque de l’éveil, les cinquième et sixième nous mènent à la rencontre de l’indicible, jusqu’à Une phrase, une seule. Désormais blanc sillage à la surface de mon âme.

La sincérité du « Livre des Falaises » me rappelle à la vie.
Je l’emporte avec moi jusqu’aux lueurs qui précèdent mon sommeil.

Parfois, sur les chemins du retour, j’allonge le pas, et voilà que j’entre dans sa peau, que son corps me couvre d’un manteau familier, que son cœur au rythme du mien m’encourage à frôler, d’un peu plus près le bord des falaises de ce monde qui est aussi le nôtre.
Sa sincérité éveille la mienne, et réchauffe ma main.

Je ne marche plus seul vers ce point hors de vue, pourtant déjà sur la carte, et qui nous réunira tous.

Extraits

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