Planktos composition de musique concrète

PLANKTOS ​​/​​ 2015 - 2020

composition de musique concrète de Lionel MARCHETTI

& argument de Régis POULET


PLANKTOS

Composition de musique concrète de Lionel Marchetti
composée en 2015/2020
pour une écoute acousmatique d'une durée de 3 heures et 39 minutes
en 5 grands mouvements
et 19 parties

L'œuvre musicale est composée en regard de l'ouvrage poétique Planktos de Régis Poulet

Lionel Marchetti : production, réalisation et composition, instrumentarium (studio du compositeur) : synthétiseurs Moog, Roland, Korg, Teisco, Arturia, Yamaha, Tupolev ; guitare électrique, harpe, clarinette, traitements analogiques et numériques divers…

Présences vocales additives : Kyô Marchetti-Higashi

Remerciements : Bertrand Louis, CFMI de Lyon

 (cliquer sur l'image pour écouter)


PLANKTOS

Mouvement 1 — Des aurores aux cils bleus
1. Balbutiements des bactéries 13'12''
2. Un puits d’un milliard d’ans 1'01''
3. Terre de glace 1'37''
4. Les forces dans les plis 4'08''
5. Balane sur le dos de la baleine 21'17''


Mouvement 2 — Paradoxes de la pluralité
1. Un vol de soleils en symbiose 11'43''
2. Flèche de Zénon 20'58''
3. Anarchistes du chaos 3'37''
4. Tous les noms ont coulé 3'59''
5. Et l’esprit constellé de lignes 13'16''


Mouvement 3 — Le chaos callimorphe
1. Ténèbres électrisées 19'14''
2. Principes d’incertitude 3'23''
3. Nuées de diatomées 12'49''
4. Sous la poussée d’espaces 16'34''


Mouvement 4 — Vertige d’un soleil bluté
1. L’inconnu du monde aval 11'48''
2. Les dentelières de silice 7'46''
3. Onde de vie marine 4'44''
4. Chants des méduses noctiluques 13'56''


&
Mouvement 5 — Océan (Hen panta / Tat twam asi) 42'32''

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À propos de Planktos


« En écrivant Planktos (Isolato, 2018), je voulais explorer l’Océan mondial à toutes les échelles, du plancton aux baleines, et mesurer son importance pour la pensée, comme un espace blanc. La plupart du temps, l’Océan est pour nous une étendue, mais sa profondeur et sa vie aquatique nous échappent. Les êtres qui y vivent évoluent dans une immensité qui les rend rares, et la plus grande quantité en est invisible à l’œil nu : il s’agit de ces êtres planctoniques nommés d’après l’errance qui les caractérise — un mode de vie, si l’on veut bien y songer, qui nous définit tous. En approchant, notamment grâce aux travaux des scientifiques, ces multiples espèces, j’ai travaillé cette matière physique et lexicale afin d’en rendre la multiplicité, l’étrangeté et la beauté. J’ai essayé de trouver la poétique de cet espace et de ces êtres — autrement dit : leur géopoétique.

Le rôle des titres dans la musique concrète et acousmatique me paraît capital pour donner un horizon d’écoute. De la lecture du recueil à l’écoute des compositions, ma collaboration avec Lionel Marchetti a consisté à transposer musicalement le poème dans une sorte de triangulation avec le monde — je dirais une musique géopoétique qui, pour paraphraser Kenneth White, n’exprimerait « ni le moi, ni le [son], mais le monde ». En n’utilisant les sons (quelle qu’en soit l’origine) que pour leur seule valeur musicale et plastique, la musique acousmatique courrait le risque de se recoquiller en abandonnant le monde. Cette longue œuvre musicale qu’est Planktos dépasse l’imaginaire du musicien et ne propose pas un jeu sonore formel mais donne à entendre un monde dont la réalité nous échappe pour une large part. Grâce à l’étonnante capacité (si bien analysée par François Bayle) qu’ont les sons de faire image, Lionel Marchetti donne à voir, autrement qu’avec des mots, cet Océan et les êtres qui y évoluent. Les mots ne sont pourtant pas absents : les titres que j’ai choisis sont pour la plupart issus du poème, et ils en forment presque une réécriture, comme si j’avais relu mon propre texte au prisme de la musique.

Dans le cas de la musique, on est quasiment face à un koan : quel est le son du plancton ? C’est le genre de question que seule la musique concrète peut se poser et dépasser. La puissance évocatoire de la musique de Lionel Marchetti ne laisse pas de surprendre. Usant des techniques propres à son art, il a créé des sons qui deviennent à la fois le temps, l’espace et le mouvement selon les nécessités de la composition. En effet, les temps et espaces du poème, expression de la réalité océanique, parcourent toutes les échelles, de l’infiniment grand : « un puits d’un milliard d’ans », « l’océan planétaire », à l’infiniment petit :

« la longueur de Plancton Lπ
est le diamètre
à partir duquel
un protiste
peut manger
la lumière » 

« le temps de Plancton Tπ
est le temps
qu’il faudrait à
un photon dans le vide
pour parcourir
une distance égale
à la longueur de Plancton »

La diversité des matières sonores est à la mesure de celles de l’Océan : comment exprimer les présences furtives, secrètes ou lumineuses, la présence massive ou incongrue de ces êtres dont on peut ignorer jusqu’à l’existence ? Comment rendre musicalement les nuées de diatomées ?

« les diatomées sont de silice
et souvent sous
la lune pâle
des mers arctiques
un rayon glisse
et fait briller
leur bel opale »

Dans quelles ressources instinctives du cerveau de l’auditeur puiser pour faire sentir presque physiquement l’étendue, la profondeur et les degrés d’obscurité des mers ? De quelle manière rendre notre proximité biologique avec les mammifères marins, l’étrangeté des invertébrés les plus étonnants ? Comment faire, surtout, pour que cette œuvre ne soit pas qu’une exploration musicale même inouïe de l’univers océanique, de son espace et de ses êtres, mais l’invitation à une aventure mentale qui interroge l’origine de la vie, l’histoire et la diversité du vivant, l’espace terrestre où nous vivons et notre rapport à tout cela ? Comment ouvrir l’oreille, « violemment ou discrètement selon les occasions, au chaos et au vide » — pour citer Kenneth White à propos de l’écriture géopoétique (Postface à Planktos) — afin d’entrevoir un champ nouveau des possibles ?

Les réponses à cela se trouvent dans ces cinq mouvements, gestes d’un musicien qui prolongent ceux d’un poète. Indépendants mais liés de façon étroite et complexe par cette triangulation toujours latente avec le poème et le monde, ces mouvements interrogent tous notre rapport au Un-Tout (Hen panta) et l’éthique impliquée par le « Tu es cela » (Tat twam asi) qui forment le titre du dernier d’entre eux. »


Régis POULET

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