par Nicolas Boldych

 

Percolée en amont du Diois, dans des ombres alternes, la Drôme trace le chemin de la Méditerranée en tresses qui brûlent de larges portions de plaine, aux abords de Die, Crest, Allex, endiguée par les peupliers noirs qui boivent parfois jusqu’à la lie, jusqu’à un ivre déracinement, à ses eaux tirées d’un écheveau de glace, gel, neige.

Une rivière peut brûler le paysage.

C’est ce que fait la Drôme, à l’égal du Buëch. Ses eaux turquoises déracinent le peuplier noir, poussent devant elles des îlots caillouteux, divaguent en tresses avant de reprendre, à temps, leurs esprits aux abords d’un pont qui annonce la vaste, la stable plaine rhodanienne.

Dans leur noyade les arbustes rougeâtres ou chenus, chair de filandre et d’argent détrempé, filtrent des cotonneries de feuilles mortes, d’algues et d’ambroisie, que le sable siliceux encolle.

Avant de pouvoir laisser reposer son regard au moteur limpide des eaux (turquoises ou noires des glaciers), de poser le pied sur les ossements polis des gravières, il faut trouer la patte frémissante sculptée par les fraidières, ses ruisseaux latéraux qui improvisent fraîchement, en sourdine, dans des sous bois frappés par une noire humidité, des tracés gouleyants ; patte délayée au frémissement de gelée, granuleuse au vent, et enfin sable, verre, transparence rendue au moteur limpide des eaux turquoises.

Dromos, affleurement d’une racine grecque, le chemin ; au thau de Livron, la montagne rejoint par un cheminement éolien, de buis et genévriers, le sillon du Rhône, faisant éclater le regard.

 

Texte de Nicolas Boldych (janvier 2013)

Photographie de Régis Poulet